Samedi 8 mai 2010 à 22:56
Les Bernier
Quand monsieur Charles Bernier passa le seuil de la porte, il était saoul, comme à son habitude. Il tituba douloureusement, s’appuyant tant bien que mal sur les murs et châssis du long couloir. Arrivé dans la cuisine défraichit il cria le nom de son épouse. Comme rien ne lui répondit il continua à beugler, à beugler de sa voix brisé par la colère et l’alcool. De sa main sale et rude il jeta par terre tout ce qui se trouvait sur la table détruisant le vase de terre cuite, le courrier et les feuilles de sa femme. Ses vociférations, ses hurlements couvrirent le bruit sourd et mat des objets s’écrasant, s’éparpillant sur le sol. Et puis il se tu, chercha, fouilla dans le garde manger, dans le réfrigérateur éteint, il chercha, une autre bouteille, une autre... juste une dernière... une première?
Un froissement l’arrêta, il retourna la tête, il scruta la pièce de ce regard qu’on les alcoolique, juste assez net pour y voire ce qui est déplaisant. Il la vit soudain, pourtant, la fillette, sa fille, debout, encore endormit, tremblant d’effroi dans son pyjamas trop court et trop vieux. Il s’en approcha, sentant ses jambes vacillantes osciller sous son poids. Emily tremblait, figée qu’elle était, ses bras serrait sa vieille peluche. Elle secoua la tête
-Non, non... Milli veut maman. Milli veut maman!
Mr Bernier empoigna la petite, ses yeux flamboyants de colère et couvert par l’abus de boissons, il voulu la frapper et puis...
Plus rien. Charles Bernier ne se souvenait de rien. Combien de fois s’était-il demander ce qu’il faisait dans cette pièce noire, inconnue, couché sur un banc qu’il n’avait jamais vu. Combien de fois s’était t’il demander pourquoi personne ne lui répondait, combien de fois? Oh, bien trop pour les dire, pour les compter. Une cellule, voilà dans quoi il était, ça, il était capable de le deviner. Tout le monde le sais quand ils sont en prison. Mais pourquoi... Ça, il ne le savait pas. Il n’avait rien fait. Il ne se souvenait pas d’avoir fait du mal. Enfin, pas de quoi d’affreux. C’est sa femme, Julie Bernier, qui devrait être à sa place, dans cette salle exiguë, poussiéreuse. Elle était partit et ça c’était mal. Tout était de sa faute. Il devait le dire aux policiers. Ils comprendraient. Ils devaient comprendre! Il se ferait un devoir de leur faire comprendre, c’était elle et pas lui. Et puis, il avait soif. Il devait boire, sa fille l’en avait empêchée, la garce! Cela faisait un bon moment qu’il n’avait pas bu et sa gorge était pâteuse c’était désagréable, il devait boire, c’était plus qu’un besoin, c’était une obligation. Oui, c’est ça, une obligation!
Il cria, Charles s’époumona, s’en brisa la voix. Personne n’entendit, personne n’était là. Il agrippa les barreaux de sa fenêtre et pleura comme peu pleurer un homme trop assoiffé et trop malade, il se lamenta sur son sort, sur son innocence. Il n’avait rien fait! Comment le dire autrement, il n’avait rien fait... c’était sa femme! Sa femme... semeuse de son malheur, elle ne lui avait donné que fléaux et ruines, un enfant, c’était là toute son infortune, rien de pis, rien de plus mauvais, monstrueux n’aurait pu arriver... mais oui, Julie avait trouvée pire! Elle était partie! Qu’allait-il faire... tout d’abord il allait sortir, il irait bien boire une ou deux bière... plus, oui bien plus. Ensuite... il devrait rentrer à cause de la gosse. Bof, elle pourrait attendre... elle apprendra à se débrouiller simplement. Rare sont les parents qui savent ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants. Là était la réflexion de Charles. Mais un bruit le dérangea, il se retourna en grondant, les yeux flamboyant, l’on ne voyait donc pas qu’il était concentré?!
Julie Bernier se tenait devant lui, tremblante, apeurée. Un policier se tenait derrière elle, sa main sur son épaule. Charles rugit encore plus, il s’avança, flageolant et face à la fenêtre qui le séparait de sa femme et de l’homme, il cria ce qu’il lui resta de voix, frappa ce qu’il lui resta de force. Julie ferma es yeux, terrorisé, une larme coula le long de son visage, suivit d’une autre, suivi d’une autre encore... l’homme en l’uniforme la rassura de quelques mots, ils se retournèrent, ils s’en allèrent, loin de Charles Bernier, loin. Charles trembla encore plus fort, s’affala par terre. L’on dit qu’il ne se releva jamais, d’une autre façon l’on dit aussi que Charles n’a jamais existé... mais peu importe ce que l’on dise, ce que l’on sait c’est que Émily grandit et que la seule fois où elle revit son père, ou un homme lui ressemblant étrangement, elle s’en alla, pour rejoindre sa mère, la rassurer, lui sourire... Car elle souriait.